Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
11 juillet 2011 1 11 /07 /juillet /2011 10:11

 

Dans le port claquent les haubans;

De tous les bords hurlent les vents;

Des goélands volent au loin;

Sur un des quais, je tiens ta main.

Contemple, aimée, ma dévotion !

Ce n'est point celle des passions :

Ayant bouté les nuits câlines,

Son lit meut l'Etendue divine.

 

Vois, les amarres soudain, lasses

D'ici-bas, de céder menacent !

Elles craquent ! Les romps, ça y est,

La hache de la Liberté !

Loin de notre humanité rogue,

La voile de mon âme vogue

Au sein d'une mer d'abandon

Qui n'a plus aucun horizon !

 

Depuis des plages d'allégresses,

Saisis-tu donc l'immense liesse

Qu'est de danser sur cette houle

Loin des tumultes de la foule ?

J'ai soif de ces lames d'ailleurs

Où navigue, ma chère sœur,

Aux flots des Univers épars,

Seule la nef des vieux quasars !

 

La vague monte et puis descend,

Je la suis ! Mais ne la pourfend

De mon sillage faisant corps

Avec l'Elément, sans effort !

L'Inconnu, aux formes girondes,

M'offre sa poitrine bien ronde

Qui m'allaite, doux lait stellaire,

D'un bon breuvage de Lumière !

 

Mais foin des vains préliminaires

Où la caresse prude a l’air

D’égrainer un saint chapelet,

A ma proue, de rostre je n’ai,

Mais chevelure et barbe brune,

Une figure de Neptune

Dont l'ample fuscine de fer

Reluit par mille et un éclairs !

 

Des Mondes dénués de centre

J'en pénètre le profond ventre !

Et mon étrave là-bas baigne

Le Mystère qui, du Beau, saigne !

J'engendre la paix à venir !

J'engrosse, sans de vains soupirs,

Cette Harmonie dont les enfants

Ne crient ni "papa" ! Ni "maman" !

 

Je deviens cette Création,

Océan n'ayant bord, ni fond !

Et je vois, debout sur ma hune,

Celui qui fit Soleils et Lunes !

Mes manoeuvres n'ont plus de marge !

Mon amie ! Sens l'embrun du large !

Son sel, la Foi, est la chimie

Qu'instille en nos cœurs l'Infini !

 

Sur ces ressacs qui se déchaînent,

La chair ne m'est plus une gêne !

Le compas des notions s'affole !

Nul nord n'indique ma boussole !

Je suis du Rien le grand énarque !

Je suis du Tout l'heureux navarque !

Capitaine de ce long cours

Qui est le véritable Amour !

 

Hélas ! Je t'aperçois, pensive,

Demeurant toujours sur la rive.

Toi, qui cherches à former couple,

Sans savoir que tel Don s'accouple,

Baiser de l'atome à l'Esprit,

Avec l'Eternité inouïe

D'une Onde aux voluptés fervides

Que brassent les reflux du Vide !

 

Quand tu dresses encor les mats

De la Beauté, ce, malgré la

Tempête des années qui passe

Et, comme le bec d'un rapace,

Flétrit nos peaux dessous leurs nues !

  Et quoique, fièrement tendue,

La carène de tes atours

Ait devant elle de beaux jours !

 

Il te faudra bien, tôt ou tard,

Hissant ta "vieillesse étendard"

Au bout d'une drisse d'ennui,

A la dérive de l'envie,

Pilotant un semblant d'esquif

En proie au premier des récifs,

Pourtant, en marge de toute île,

Fuir à jamais ton ponton vil...

 

L'existence n'est que l'échouage

"D'êtres épaves" qui naufragent !

Tout choix, dessus les eaux des leurres,

Qu'un gouvernail que meut l'erreur !

Le "Je timonier", qu'un fantôme

Se glorifiant du titre d'homme !

Quant à nos caps, restent-ils autres

Qu'une errance où chacun se vautre ?

 

Ma suave et tendre goélette

Dont le gréement me met en fête

Lorsque je surprends, de ton âge

Mûr, le brillant accastillage,  

N'aie crainte ! Car je te conjure

De croire qu'existe, havre sûr,

En l'Espérance et ses Açores,

Une Vie qui vainquit la mort !

 

Alors, ce jour où, pour de bon

Sonnera l'heure du plongeon

Parmi l'ondoiement de l'Oubli,

Sache que, d'en-haut, un ami,

Nocher d'Espaces parallèles,

Prendra ta main, et sous son aile,

Te guidera, d'un léger vol,

Vers le Bonheur en ses atolls ! 

 


Ecrit le vingt Avril de l'an 2008,

à Bandol 

 

 

Partager cet article
Repost0

commentaires